RÉINVENTER DES MILIEUX DE VIE

La pénurie de logements au Québec

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De toutes les questions qui touchent l'organisation des villes et l'occupation du territoire, l'accès au logement est assurément une des plus sensibles.

Contrairement à d'autres sujets de discussion qui peuvent parfois nous sembler un peu abstraits, le logement, c'est quelque chose de très concret.

Avoir un toit, c'est un besoin essentiel et un droit fondamental.

Ainsi, lorsqu'on parle de pénurie de logements, l'inquiétude de la population est à son comble et c'est bien normal.

Longtemps au Québec, en nous comparant à d'autres provinces et d'autres pays, nous pouvions nous vanter d'avoir beaucoup d'espace avec de grands appartements abordables et accessibles.

Or, la donne a changé.

Pour s'en rendre compte, il faut observer un indicateur : le taux d'inoccupation des loyers. Lorsque ce dernier passe sous la barre des 3% de logements disponibles dans une municipalité, l'équilibre est rompu et la rareté crée une pression à la hausse sur les tarifs des locations.

Cette pénurie de logements touche désormais un grand nombre de municipalités au Québec, les plus petites comme les plus grandes. À Rimouski, par exemple, le maire Guy Caron se rend bien compte que sa ville, très prisée par ceux et celles qui souhaitent s'établir en région, est désormais aux prises avec un taux d'inoccupation presque nul.

« À Rimouski, la réalité c'est qu'en 2018, nous étions à 4% de taux d'inoccupation, et on se rappelle que le seuil d'équilibre, là où le pouvoir est bien réparti entre propriétaires et locataires, c'est environ 3%. Or, en 2019, nous sommes passés à 2,7%. L'année suivante, avec la COVID, nous sommes tombés à 0,9% et ensuite 0,2%. Donc, carrément, une des causes, c'est l'attrait des grands espaces en temps de confinement, que les gens des grands centres recherchaient parce que ce n'était pas évident d'être confiné à Montréal, Laval ou Québec, contrairement aux grands espaces qu'on avait à Rimouski et dans des milieux ruraux. »
- Guy Caron, maire de Rimouski, administrateur à l'UMQ

Photo : Sylvain Laroche

Photo : Sylvain Laroche

Photo : Sylvain Laroche

Photo : Sylvain Laroche

À l'autre bout du pays, à Val-d'Or en Abitibi, la pénurie de logements dure depuis plusieurs années, accentuée par la crise économique de 2008 qui a fait monter le prix de l'or. Paul-Antoine Martel, qui travaille comme conseiller à la ville depuis 2004, a bien vu l'évolution de la situation.

« Les crises économiques, ce que ça a comme impact, c'est qu'il y a des valeurs refuges qui vont susciter un intérêt, et l'or en est une. Ce qui fait que nous, ici, nous avons vu le prix de l'or augmenter d'une manière hallucinante, autour de 2008-2009. Ça a donc généré une espèce de boom économique. Quand on regarde les statistiques, on est en crise du logement ici depuis 2006 à peu près, c’est-à-dire que ça fait 18 ans qu'on est sous le seuil du 3%. Et là, on vit en ce moment une autre pression. Il y a quand même du logement qui s'est construit, mais il reste qu'il y a un vieillissement de la population, il y a encore l'essor économique, donc toujours un besoin d'attirer plus de monde. Il y a aussi une pénurie de main-d'œuvre, donc on veut aller chercher des gens issus de l'immigration et on travaille très fort pour aller en recruter. Mais ces gens-là, il faut qu'ils habitent quelque part! »
- Paul-Antoine Martel, conseiller en relation avec les milieux à la Ville de Val-d'Or

Si la solution passe en partie par la construction de nouveaux bâtiments, un autre défi se trouve devant nous: il faut aussi repenser l'occupation du territoire et les plans d'urbanisme. Nous ne pouvons plus continuer à créer de nouveaux développements, poursuivant ainsi l'étalement urbain. Il faut densifier les quartiers déjà habités. Parmi les projets qui retiennent l'attention, on peut songer à la construction de minimaisons là où l'espace le permet, voire dans les cours arrière de propriétés déjà existantes. On parle aussi d'ajouter des unités locatives, là où on trouve des centres d'achats, ce qui pourrait complètement changer le visage de ces quartiers imaginés naguère dans une perspective commerciale axée sur l'usage de la voiture.

« On a beaucoup à apprendre des exemples européens, parce qu'eux, ils ont fait la transition il y a bien longtemps. On parle souvent de Copenhague comme exemple à suivre. On regarde des modèles de villes où on s'est éloigné de la voiture. On s'est éloigné de concepts urbanistiques qui étaient fondés sur l'usage de la voiture. Et nous, il va falloir commencer à le faire, pour des raisons de luttes aux changements climatiques, mais aussi pour nous assurer d'avoir des communautés qui vont être plus viables à l'avenir. » 
- Guy Caron, maire de Rimouski, administrateur à l'UMQ

Entre l'appel des grands espaces à Rimouski et le boom économique à Val-d’Or, les causes de la pénurie de logements sont multiples et les solutions doivent tenir compte des particularités propres au milieu de vie. Ça ne signifie pas, toutefois, qu'il faille agir en vase clos. Pour Paul-Antoine Martel, l'heure est à la concertation et à la mise en commun des idées afin que les communautés puissent demeurer maîtres d'œuvre des projets à mettre en place.

« Les villes sont en mutation, on s'est rendu compte qu'elles sont des gardiennes de la qualité de vie. Mais il reste que c'est somme toute récent. De plus en plus, on sent le besoin de s'allier, de se parler et d'échanger sur notre façon de faire et de voir comment on peut créer une expertise collective, plutôt que d'avoir à tout inventer chacun de notre côté. Il faut qu'on soit les maîtres d'œuvre, les programmes ne peuvent pas venir d'en haut, très normés, parce que les milieux sont très différents d'un endroit à l'autre. »
Jacques Proulx, co-fondateur du Groupe du coin à Saint-Camille

Comment ça va chez vous ? est une production des Coops de l'information
en partenariat avec l'Union des municipalités du Québec
Conception, réalisation et animation : Simon Jodoin

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