Tisser des liens aériens
L'enjeu de l'accès aérien aux régions du Québec
C'est bien connu, au Québec nous avons un immense territoire avec de la place en masse! C’est dire que notre coin de pays est peu peuplé.
C’est plus concentré par endroit, mais somme toute, nous sommes géographiquement assez séparés les uns des autres.
C'est donc important de tisser des liens et une bonne partie de ce tissage passe par le transport aérien.
Or, si vous suivez un peu l’actualité depuis quelques années, vous avez sans doute vu qu’établir et maintenir des liens aériens entre les différentes régions du Québec, c’est loin d’être facile.
Il suffit de s’intéresser un peu à l’actualité pour se rendre compte que la question des transports aériens entre les régions du Québec fait souvent les manchettes, mais rarement avec de bonnes nouvelles. Des compagnies aériennes cessent des liaisons avec certaines destinations qu’on dit éloignées. Quand on les maintient il faut souvent plusieurs escales pour se rendre à bon port. Les prix des billets sont aussi immensément élevés.
À l’été 2022, on a instauré le programme aérien aux régions, avec les fameux billets à 500 $ qui ont fait beaucoup parler. Or, un an plus tard, les résultats sont pour le moins mitigés. On le voit, le prix à lui seul ne suffit pas pour attirer les voyageurs.
Manon Cyr, mairesse de Chibougamau, connaît bien les soucis des citoyens qui habitent les régions éloignées du Québec. Elle nous rappelle qu’à l’origine, ce programme avait pour but de susciter de l’intérêt afin de créer un volume d’achalandage suffisant pour maintenir des liaisons régulières.
Ce qu'on voulait surtout créer avec les billets à 500$, c'est un minimum de transport aérien, afin de connecter les villes des régions à Québec et Montréal. Pour y arriver, il fallait susciter du volume. Donc, à 500$, on se disait que comparativement à des tarifs de 1200$ ou 1500$, c'était quand même une occasion pour les citoyens des régions de se rendre dans la capitale et la métropole ou, à l'inverse, d'inciter les gens des grands centres à visiter les régions. Ensuite, quand on parle d'interrégionalité, souvent, le volume n'est pas au rendez-vous.
C'est certain que chez nous, à Chibougamau, on a un lien historique avec le Saguenay-Lac-Saint-Jean. Les gens sont tellement habitués à faire la route que pour eux, faire quatre heures de trajet en voiture, il n'y a rien là comme on dit. Mais si on veut développer le transport aérien, quand tu penses à Montréal à Québec, c'est huit heures et cinq heures de route. Là il y a un intérêt, mais encore faut-il que tu t'assures qu'il y ait un vol à une heure régulière et d'être certain de pouvoir prendre ton vol et de développer cette habitude-là, qu'on n'a pas et qu'on a perdue et c'est de pire en pire.
Manon Cyr cite en exemple le cas de la Gaspésie, où on constate un phénomène paradoxal. Bien que la région présente un bilan migratoire positif, la situation des transports sur ce territoire ne cesse de se détériorer. Des liaisons aériennes sont coupées, les services d'autobus se dégradent et le train est tout simplement à l'arrêt depuis des années.
Sandra Gauthier, directrice du musée Exploramer à Sainte-Anne-des-Monts est bien placée pour le savoir. Celle qui est aussi la créatrice de Fourchette Bleue, une certification mettant en vedette les espèces marines du Saint-Laurent, est une infatigable tisseuses de liens. Elle parcourt en long et en large la province afin de faire connaître les poissons et les crustacés québécois. Toutefois, faute de liaisons aériennes fiables, elle doit bien souvent refuser des opportunités de faire connaître son travail qui est pourtant essentiel au dynamise culturel et économique du Québec.
J’ai été invitée à participer à Montréal en lumière, pour donner une conférence et ça me tentait vraiment beaucoup d’y aller. Toutefois, quand ce fut le temps de réserver les billets d’avion, il n’y en avait pas. Ce n’est pas le prix qui posait problème, il n’y avait tout simplement pas de vol entre Mont-Joli et Montréal. Depuis la Covid, Air Canada ne vole plus dans nos régions dans l’est du Québec. Avec Pascan, il y avait un arrêt de neuf heures à Wabush et avec Pal Airlines, il y avait cinq arrêts à faire, dont un retour par Terre-Neuve. Donc, sincèrement, j’ai décliné l’invitation de Montréal en Lumière. C’était inconcevable pour moi de faire 16 heures de voiture en plein hiver pour participer à cet événement.
Des histoires comme celles de Sandra, on peut en entendre partout sur le territoire québécois. Elles mettent en lumière un problème difficile à résoudre. Si le volume d'achalandage est trop modeste, on peine à maintenir des services fiables et réguliers. En revanche, si le service est déficient, ça le rend peu attrayant pour les usagers. Ce cercle vicieux a des conséquences, à commencer par une iniquité d'accès à certains services publics et de nombreux obstacles au développement régional.
Ça met un frein au développement économique. Vous savez, quand tu n'es pas capable d'aller à une réunion, à Montréal ou à Québec, à un coût intéressant dans des délais raisonnables, tu perds en efficacité. Ça veut dire que pour les citoyens, les gens d'entreprise, ça diminue les opportunités d'affaire. À l'inverse, un médecin par exemple, qui doit aller en région pour prendre le relais pour donner un appui à l'équipe médicale en place, ou encore des travailleurs spécialisés qui ont une expertise que nous n'avons pas nécessairement localement, quand cette personne-là n'est pas encore sortie de son bureau et que ça lui coûte 1500$, imaginez-vous l'impact que ça peut avoir.
Sandra Gauthier est profondément engagée dans sa mission de faire rayonner le terroir maritime du Québec à partir de son chef-lieu en Haute-Gaspésie. Son travail de conservation et de pédagogie, par son envergure nationale, génère des retombées positives sur l'ensemble du Québec. Elle voit dans cet enjeu des transports aériens un élément de plus qui s'ajoute au problème de la démocratisation des régions. Pouvoir se déplacer efficacement sur le territoire, c'est aussi favoriser la circulation de la culture et la participation à la vie démocratique. C'est même pour elle une question de fierté nationale.
C'est un non-sens. On est fiers du Québec, on est fiers de l'industrie touristique, on invite les gens à venir visiter les régions et nous n'arrivons pas à offrir des moyens de transport efficaces autrement qu'en louant des voitures. Du point de vue du développement durable, nous sommes loin du compte, mais aussi sur le plan de la démocratisation des régions. La démocratisation des régions, ça signifie qu'il faut faire en sorte que nous ayons les mêmes services qu'en ville, afin qu'on puisse vivre en région avec une qualité de vie comparable à celle qu'on peut avoir dans les grands centres urbains. Et là je ne parle pas de la nature, je parle de l'accès à la culture, l'accès aux soins de santé, à des bureaux gouvernementaux, tout ça, c'est de la démocratisation des régions. Il faut que nos régions puissent avoir les mêmes services, qu'il n'y ait pas de différence entre un citoyen qui habite au centre-ville de Montréal et quelqu'un qui habite à Sainte-Anne-des-Monts.
Comment ça va chez vous ? est une production des Coops de l'information
en partenariat avec l'Union des municipalités du Québec
Conception, réalisation et animation : Simon Jodoin
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